Mon parcours
- Jason MAN
- 8 nov. 2024
- 6 min de lecture
'Ia ora !
Pour les personnes que ça pourrait intéresser, j'aimerai vous raconter un peu mon parcours. C'est important je pense de le visibiliser pour ne pas mystifier ou essentialiser les militants et militantes.
Je suis né et j'ai grandi sur l'île de Tahiti dans la commune de Faaa. Nous sommes 4 enfants et les revenus de mes parents nous placent entre la classe populaire et moyenne. J'ai surtout fais ma scolarité en établissement privé et ma dernière année avant mon bac scientifique dans le public.
Après une première année en licence de physique-chimie à l'université de Polynésie Française je pars continuer mes études en France hexagonale en Alsace où je resterai 3 ans à naviguer entre différentes licences autour de la physique.
C'est durant ces années d'étude loin de chez moi que j'ai rencontré les luttes écologiste et notamment les luttes animalistes pour le bien être des animaux et contre l'élevage intensif. Le début ça a été des discussions avec ma compagne de l'époque qui se renseignait sur les horreurs de l'élevage suite à quoi elle pris la décision de ne plus manger de viande. Si au début je l'ai accompagné de manière assez naïve c'est rapidement devenu quelque chose qui me tenait énormément à cœur.
Je me rappelle de cette période comme une période de deuil, à ce moment où je quitte ma petite île au milieu du Pacifique pour découvrir un gros continent, de gros enjeux et surtout d'immenses entreprises que sont celles qui produisent toute cette viande. C'était comme découvrir la barbarie du monde, la réalité en sortant de cette illusion que le monde est en paix et que "tout roule à peu près". Ce que j'ai découverts m'a profondément choqué et révolté !
Ce début de révolte et d'engagement à ne plus manger de viande dans l'idée de ne pas donner le moindre centime à ces industries cruels va ensuite se transformer en obsession pour générer le moins de souffrance autour de moi. En quelques années je deviens "l'écolo parfait" vegan, zéro déchet, bio, plus d'eau chaude et de chauffage. C'était assez hardcore. C'était un peu ma phase "colibri" à vouloir faire ma part et vouloir individuellement faire le maximum.
Quand je vous parle d'obsession c'est surtout parce qu'une question me hantait et continue aujourd'hui "Comment faire plus, comment faire mieux ?". J'avais l'impression de vouloir faire toujours, je me remettais souvent en question et était du genre à prendre de grandes résolutions du jour au lendemain. Arrivé à un stade où je ne savais plus vraiment quoi faire au niveau individuel pour diminuer mon impact, je me suis dis que ce que je pouvais offrir de plus c'est mon temps. Si j'aidais très ponctuellement des associations déjà je me suis dis que je pourrai faire ça temps plein. Aussi je supportais de moins en moins d'aller en cours alors que dehors le monde s'effondrait et encore moins de me projeter dans une carrière scientifique qui allait me prendre encore des années et des années.
J'ai alors pris la décision d'arrêter mes études et de me consacrer à plein temps à l'écologie. J'ai alors 22 ans et je rentre chez moi à Tahiti pour faire avancer la cause là bas. Je précise qu'à ce moment je suis ce qu'on pourrait appeler un environnementaliste pur c'est à dire que je connectais très peu les questions écologistes aux questions sociales, décoloniales ou encore racistes. Le fait d'être par essence un militant antispéciste me fais de toute façon basculer vers une éthique d'équivalence entre les animaux humains et non humains donc dans ma tête je lutte pour les écosystèmes et les animaux sans trop prendre en compte les intérêts humains.
En revenant chez moi j'avais faim d'actions et j'ai rapidement commencé à me rapprocher d'associations pour les aider. Je me suis retrouvé propulsé à des postes de responsabilités où je me suis très vite mis à gérer des projets, faire de la sensibilisation dans des écoles, faire des interviews. Principalement sur la gestion des déchets et sur de la mobilisation citoyenne. Au bout de quelques mois j'ai quand même finis par remarquer une assez grosse lacune dans le champ associatif sur les questions de crise climatique, sujet qui m'intéressait énormément. Faisant partie de cette génération touché par les début de Greta Thunberg, cette jeune suédoise qui faisait la grève pour attirer l'attention sur notre inaction climatique.
Je décide alors de mener des actions dans ce sens, au travers de quelques rencontres de personnes bien motivés sur le sujet aussi nous organisons les premières marches pour le climat à Tahiti, en parallèle de celles qui se faisait à travers le monde. Après les premières que j'estimais infructueuses je lance avec mon meilleur ami Maiti un projet pour visibiliser notre appel à manifestation. Nous allions faire tout le tour de l'île de Tahiti à pieds en 2 jours, ce qui représente 120 km. C'était une réelle épreuve et une révélation pour moi, littéralement donner de son corps pour la cause c'est super efficace ! Par solidarité et soutien, des centaines de personnes nous ont soutenus, klaxonnés, suivis sur les réseaux et même venus à la manifestation pour le climat ! Nous les avions touchés et le 16 mars 2019 a eu lieu ce qui est pour l'heure la plus grande marche pour le climat de mon pays où nous étions plus de 800 à travers différentes îles à manifester.
Les années suivantes nous allons reproduire ce format et organiser au total 4 marches pour le climat entre 2019 et 2022 où il y a aura progressivement moins de monde. Pendant ces années nous avions aussi monté avec mon frère d'arme Toto une antenne de Extinction Rebellion (XR) au Fenua, nous reconnaissions de plus en plus dans ce constat que la désobéissance civile est nécessaire dans un monde où c'est tellement compliqué d'attirer l'attention sur ces sujets de manière radicale.
Nous commençons aussi à nous diriger vers des actions plus politiques en mettant notre grain de seul dans les élections communales te présidentiels. C'est le début de la politisation de mes actions et le moment où je m'éloigne de plus en plus d'une écologie individualiste qui responsabilise le peuple et souvent des personnes qui n'ont ni les moyens ni l'espace mentale pour y penser. Responsabiliser uniquement les individus est une erreur stratégique car sans une portée et application politique nous ne pouvons pas transformer nos sociétés à la vitesse nécessaire. La portée politique et individuelle sont nécessaire et s'alimentent entre elles, l'erreur est de séparer les deux de manière trop tranché et de ne se concentrer juste sur l'un ou l'autre.
Après toutes ces années où je deviens le militant climat du pays, la question de comment faire plus continuait de me hanter et je commençais à me lasser de cette posture de m'agiter partout pour essayer d'avoir des victoires sans jamais vraiment en avoir. Même si il y avait des avancés politiques et que nous avions beaucoup fait parler du changement climatique, nos émissions de GES n'ont pas diminué, l'argent alloué à la gestion de la menace était toujours aussi faible et ridicule.
Je décide alors de changer de cible parce que j'ai eu une révélation, même si la Polynésie atteint la neutralisé carbone, si les autres grands pays ne le font pas, on sera quand même sous les eaux ! Donc je pars m'attaquer à un de ces grands pays, qui nous a d'ailleurs colonisé et utilisé comme centre d'expérimentation pour 193 bombes nucléaire : la France !
Je passe donc une année à Paris pour essayer de développer un réseau et trouver des moyens de pression pour que la France prenne ses responsabilités, c'est à dire fasse son maximum pour atténuer le changement climatique et finance l’adaptation de ses territoires vulnérables comme la Polynésie. Arrivant avec une piste et un espoir de financement j'étais assez confiant mais finalement mon gouvernement ne m'a rien accordé et m'a laissé en attente. Et c'est pour débloquer ça que je commence cette grève !
C'était un peu long, si tu veux en savoir plus sur des projets dont je n'ai pas parlé ici n’hésite pas à faire un tour sur ma page insta !
Et petit disclaimer sur le fait que mes choix de vie sont contraints par l'urgence écologique et toutes ces grosses tête qui enfoncent toujours plus notre avenir commun. Pour moi militer est un devoir pesant et épuisant, c'est important d'en avoir conscience ! Si ma vie militante m'a apporté les plus belles rencontres de ma vie et de très grande joie c'est aussi une vie lourde d'angoisses, de sacrifices et de déceptions. C'est important d'avoir de la considération pour les militants et militantes et aussi de les soutenir, ce sont souvent des situations moralement et financièrement très précaires. Et tout autant important, ne pas se culpabiliser soi ou les autres de ne pas l'être, c'est dur et pas accessibles à toutes et à tous selon où ielles en sont dans leur vie.
Merci de m'avoir lu, cette histoire n'est qu'un enchaînement de rencontres avec des personnes fabuleuses et inspirantes, je veux tendrement les remercier aussi.
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